Obama, pourquoi les Français l'adorent
De nombreux démocrates américains auront à choisir mardi, lors du «Super Tuesday», entre Barack Obama et Hillary Clinton. En France, le choix est déjà fait. Chroniqueurs, éditorialistes, politiques ou responsables associatifs, tous sont fascinés par le sénateur de l’Illinois. «Cet engouement est palpable», affirme l’historien des Etats-Unis et biographe de Barack Obama, François Durpaire. Celui qui a vendu près de 8.000 exemplaires de «L’Amérique de Barack Obama» (co-écrit avec Olivier Richomme, éd. Démopolis) rappelle que de nombreux médias communautaires «noirs», comme Afrik.com, se sont intéressés très tôt au candidat d’origine kenyane. Avant que des magazines, comme «L’Express», en fassent leur Une. «Les chiffres de vente du numéro spécial Obama ont été honorables, glisse Christian Makarian, directeur de la rédaction délégué. Nous en avons vendu autant que s’il s’agissait d’un sujet de société classique français».
Candidat supracommunautaire
Peut-être pas un hasard. «Ce qui se passe actuellement en France est un décalque de ce qui se passe aux Etats-Unis», analyse François Durpaire. «Chaque groupe projette sa propre psychologie sur Obama. Les noirs, ici comme de l’autre côté de l’Atlantique, y voient le premier président noir de l’Histoire américaine. Les autres minorités voient en lien un fils d’immigrés aux portes de la Maison Blanche. Les musulmans s’intéressent à lui car son père est un coreligionnaire. La majorité blanche, enfin, y voit un dépassement des communautés». «La société française, frileuse au communautarisme incarné par les Etats-Unis, découvre un candidat supra communautaire», estime l’universitaire.
Mondialisation rassurante
«Jesse Jackson demandait à participer au système. Barack Obama, lui, dit tout simplement qu’il est le meilleur», raconte Stuart-William Haugen, responsable du parti républicain vivant en France. Ce qui rassure les blancs de l’Amérique comme les Français. «Il ne représente pas un défi mais une perspective», développe Christian Makarian pour qui un homme qui a vécu à Hawaï et en Indonésie incarne une «mondialisation rassurante pour les Français». «A travers Obama, ils veulent se réconcilier avec les Etats-Unis, dans le sillage de Nicolas Sarkozy».
Emulation jusqu’en France
Autre bon point pour les Français, son opposition à la guerre en Irak, estime le sénateur républicain. «S’il gagne, sa politique étrangère sera ouverte à l’Afrique et moins agressive au Moyen-Orient», se réjouit Christian Bidonot, Martiniquais de 55 ans et président de la toute récente association «Outre-mer Obama Organisation». Cette structure d’une dizaine de membres, créée en janvier 2008, a pour objectif d’apporter un soutien moral au candidat au sein de la communauté domienne. «S’il gagne, cela va créer une émulation jusqu’en France», assure Christian Bidonot.
Incapacité française à faire émerger une élite noire
Même intérêt pour Patrick Lozès, président du Conseil Représentatif des Associations Noires (Cran), qui soutient Obama dans une France «où l’on commence à peine à parler de discrimination positive». «Regardez le chemin parcouru par les Etats-Unis depuis 40 ans quand la France a régressé», clame-t-il alors que les deux pays entendent incarner l’universalisme. Dans les années 60, alors que la ségrégation sévissait toujours dans le sud de l’Amérique, le président du Sénat français et numéro deux de l’Etat, Gaston Monnerville, était un noir. «Aujourd’hui, les Français sont incapables de faire émerger une élite noire quand les Américains vont peut-être élire un président noir», rappelle Stuart-William Haugen.
Une inversion qui fait dire à François Durpaire que la «société américaine permet aux Français de mettre à distance leurs propres problèmes». «La question noire, la France préfère la voir à travers l’Histoire, en glorifiant Martin Luther King et Leopold Sédar Senghor, ou à travers l’Atlantique». Via Obama.