Les Restos du Coeur victimes de la hausse des prix alimentaires
En l'espace d'un an, l'association a vu son budget consacré à l'achat de produits alimentaires passer de 57 millions à 65,5 millions d'euros.
La 23ème campagne des Restos du Coeur s'ouvre lundi prochain, le 3 décembre. Cette année, comme bon nombre de Français, l'association créée par Coluche est elle aussi confrontée à la hausse des prix sur les produits alimentaires. En l'espace d'un an, l'association a vu son budget consacré à l'achat de produits alimentaires passer de 57 millions à 65,5 millions d'euros.
"Cette augmentation du budget est due à deux facteurs, explique Paul Derveaux, responsable des approvisionnements au niveau national pour les Restos du Cœur. D'une part, nous avons porté une attention particulière à l'amélioration des produits distribués. D'autre part, et c'est la raison principale, nous faisons face à une hausse importante des prix des produits achetés".
Entre la campagne 2006-2007 et la campagne de cette année, à activité constante, le prix moyen d'un repas acheté par les Restos du Cœur est ainsi passé de 0,92 euro à 1,04 euro, soit une augmentation de près de 13% en un an. Un record de hausse, face auquel l'association est contrainte de s'organiser en négociant âprement ses achats, "qui dépendent à 75% directement des fabricants et, pour 25%, du Programme européen d'aide aux démunis (PEAD)", poursuit Paul Derveaux.
Pour les produits achetés directement par les Restos du Cœur aux fabricants, la situation s'est dégradée depuis le printemps dernier. "Depuis mai et juin derniers, nous avons constaté des augmentations de prix sur plusieurs produits, notamment de base, détaille Paul Derveaux. Les tarifs des produits laitiers ont par exemple enregistré des hausses allant de 5 à 10%."
Les produits laitiers ne sont pas les seuls concernés. Parmi la centaine de références de produits achetés par l'association, les hausses se multiplient. La boîte de cassoulet est ainsi passée de 0,63 à 0,68 euro entre les deux campagnes, soit 8% d'augmentation. Quelques centimes supplémentaires certes, mais qui multipliés par des milliers de boîtes achetées finissent par faire la différence. Autre exemple, avec les rillettes de poisson qui sont passées de 3,07 à 4,10 euros le kilo, Ici, c'est un bond de 33%.
Et ces augmentations de prix ne seraient que le début d'un mouvement de fond. "Nous avons négocié nos tarifs en février dernier, alors que les prix alimentaires n'avaient pas encore autant augmenté", précise Paul Derveaux, qui s'attend à ce que les hausses soient encore plus marquées pour la campagne 2008-2009.
Cette hausse des prix achetés auprès des fabricants masque un autre problème : la raréfaction des surplus agricoles européens, face à la mise sous tension des stocks de blé ou de lait. Un quart des approvisionnements des Restos du Coeur se fait avec le Programme européen d'aide aux démunis (PEAD). Ce programme, né d'une démarche de Coluche auprès du Parlement européen en 1986, permet à l'association de recevoir chaque année quelques milliers de tonnes de blé ou de lait issues des surplus. Une entreprise, sélectionnée par un appel d'offre public, se charge de vendre ces matières premières pour ensuite acheter des produits finis, comme des pâtes.
Mais cette année, les hausses des cours des matières premières alimentaires posent également des problèmes aux Restos du Cœur avec ces surplus. "Nous éprouvons des difficultés à nous faire livrer notre lait, explique Paul Derveaux. A ce jour, nous couvrons 70% de nos besoins en lait. L'entreprise chargée par l'association d'acheter des briques de lait U.H.T n'a pas anticipé la hausse des prix et se retrouve coincée."
Mises bout à bout, ces différentes augmentations ont mobilisé beaucoup d'énergie au sein de l'association afin de limiter les dégâts. "Mais nous sommes aidés, car les Restos du Coeur bénéficient d'un capital sympathie qui nous permet de négocier de très bas prix", lance Paul Derveaux, avant même d'ajouter que "du coup, les hausses que vont subir les consommateurs risquent d'être bien plus fortes que celles que nous subissons."
La situation ne devrait pas s'arranger dans les prochains mois, à en croire un rapport publié par la FAO, la branche alimentation et agriculture de l'ONU. Selon les prévisions établies, les cours céréaliers devraient "demeurer à des niveaux élevés l'année prochaine", et "toutes les principales denrées alimentaires destinées à la consommation humaine" seront concernées par ce phénomène.
En douze mois, au niveau international, le prix du blé a ainsi subi une augmentation de plus de 50%, tandis que le prix de la poudre de lait a pratiquement doublé. Au sein de l'Union européenne, les hausses atteignent 20% pour le litre de lait et 50% pour le beurre dans certains pays. Principales causes avancées pour expliquer ces hausses records : une consommation alimentaire mondiale qui ne cesse de progresser, des conditions climatiques qui affectent les rendements agricoles, et une orientation d'une partie de la production pour produire des biocarburants.