Révoltant
LA WARNER S'EN BROSSE
Le disquaire et la chanson. Quand une grosse boîte veut faire du chiffre, les petits trinquent. Et les artistes aussi.
Depuis le 24 février, 200 disquaires suisses ne peuvent plus commander leurs CD auprès de la multinationale Warner Music Group (Atlantic, Erato, Teldec, ...). Un mois plus tôt, une lettre expédiée de Hambourg précisait que leur compte client serait suspendu "compte tenu de l'évolution défavorable de (leur) chiffre d'affaires". Christophe Roulin, représentant de la firme, argumente: "Cette décision a été prise pour se concentrer sur les 50 bons clients qui représentent 99% de parts du marché". Autrement dit, la FNAC et autres Media Markt. Et l'homme d'ajouter: "Comme souvent, Warner montre l'exemple à suivre aux autres majors". Mais pourquoi donc se passer de l'argent des petits disquaires? "C'est administrativement trop cher". Air connu.
Autre refrain chez les indépendants évincés: "Plus ils ont de diplômes, moins ils sont capables" dit Madame Genand, spécialiste classique depuis bientôt 50 ans à Vevey. "Je suis déçu, je ne comprends pas", avoue Gabriel Muewli de Gabson Disques à La Chaux-de-Fonds. Plus remonté, le patron rock'n'roll de Disc-à-Brac à Lausanne s'emporte: "A la lecture du courrier, j'ai eu les jambes coupées par tant de mépris. Mais maintenant je m'en moque, ça fait 12 ans que je les hais, ils bossent comme des patates".
Dans un élan de générosité, Warner conseille à ses anciens clients de s'adresser désormais au semi-grossiste Discorack. Mais ce dernier, fournisseur d'Orange-Citydisc, ne correspond pas aux attentes des disquaires: plus compliqué, plus lent, plus cher. Résultat des courses: dans les bacs des spécialistes, les artistes Warner seront de moins en moins présents. Ces derniers sont-ils au courant? "Non, ça ne les concerne pas", affirme droit dans ses bottes, le représentant Warner. Il y a des gens pour qui la mélodie du tiroir-caisse est la plus belle de toutes.