strummer a écrit :En même temps c'est pas un groupe garage...
En effet, mais l'image donnée par le groupe (certainement sous l'impulsion de Vedder) de groupe au même niveau que ses fans a beaucoup joué dans ce paradoxe du plus grand groupe de rock indépendant au début des années 90: les références en interview à Fugazi, le refus de faire des vidéos pour MTV, Ticketmaster, les paroles de Vedder... Cela a marqué les esprits à l'époque, ce qui fait que cette fausse image perdure encore même si ils ont clairement retourné leur veste ou s'en fichent totalement depuis longtemps. Sans le succès phénoménal de Ten, le groupe n'aurait certainement pas pu se permettre de dire non à certaines choses, et jouer selon ses propres règles.
Pour moi, les choses ont commencé à changer en 2002. The Video Mission. Cease and desist.
C'est maintenant relativement vieux, le forum devait en être à ses premières années et attendait la sortie de Riot Act. J'avais découvert PJ avec No Code en 1996, puis écouté les albums, mais c'est via Internet, à partir de fin 1998, que je me suis vraiment investi dans le groupe, en lisant les setlists et les reviews sur Five Horizons, en cherchant les inédits sur des sites plus ou moins obscurs, ou en téléchargeant des vidéos Real Media de 2 Mo pour chaque morceau du MTV Unplugged. Face à You Tube et les torrents, c'est pratiquement la préhistoire, mais les vitesses de téléchargement dans mon école semblaient incroyables (un mp3 128 kbps récupéré en 5 minutes, yeah!).
Il y avait également les bootlegs que l'on allait chiner avec mes potes dans les festivals de la région ou sur Toulouse: on achetait les CD d'après la setlist (souvent foireuse, incomplète ou créée avec des concerts différents) sans savoir quelle serait la qualité. Mais le Graal était la vidéo. Je me rappelle un pote qui avait une feuille imprimée avec des concerts à acheter, à 150 francs la cassette vidéo: il en avait achetée une, le Rock am Ring / Rock im Park 2000, on bavait devant ses images rares (on ne connaissait que les clips, et encore...).
Puis vint 2001, et lors d'un stage en Angleterre, je découvre le site TVM, The Video Mission. Le principe était génial: convertir les concerts disponibles en VHS sur VCD (les graveurs de DVD étaient encore du luxe). Ceux qui géraient le site récupéraient les meilleures copies VHS possibles (2e ou 1e génération, ou même le Master), prenaient le son des meilleurs bootlegs, et proposaient ensuite des copies via des "trees" (une personne copie un concert pour 3 personnes/branches, qui elles-mêmes repètent le processus pour 3 personnes, etc.). Je m'étais inscrit à plusieurs trees, pour faire envoyer des concerts chez moi. A mon retour je devais avoir une trentaine de VCD qui m'attendaient, dont le concert de San Seb 2000, le premier que j'ai vu.
C'était une période très excitante pour un fan: de nouveaux concerts arrivaient régulièrement, on faisait la différence entre proshot, 1 cam Mike/Stone side, 2 cam mix (incroyable à l'époque), puis vient le Super VCD (pour Washington '98 et Seattle '00) et même le DVD pour les concerts d'exception.
Mais cette belle aventure s'est arrêtée en Août 2002. Le tout est très bien expliqué et détaillé ici:
http://www.chrisblackburn.com/musings/000013.phpPour le faire en version courte: des titres ont fuité avec Vedder à moitié bourré chantant des reprises avec des amis, ainsi que des messages laissés sur un répondeur (et Puzzles & Games semble-t-il). Ces titres commencent à être échangés sur les forums et sur TVM (qui proposait des boots audio si je me rappelle bien). Un premier rappel à l'ordre est posté sur Synergy (le forum officiel de Pearl Jam chez Sony), TVM retire les fichiers.
Mais quelques jours plus tard, le site TVM indique qu'il ne propose plus de vidéo ou audio en trading ou téléchargement, suite à une demande expresse des avocats de Pearl Jam.
Pas Sony. Pearl Jam. Leurs avocats.
Le groupe avait jusqu'ici autorisé l'enregistrement et l'échange de bootlegs (indiqué sur leur propre site avec une page dédiée pour la taping policy, et dans les rumor pits). Même si l'enregistrement de vidéo n'était pas autorisé, aucune remarque n'avait été faite sur les échanges de VCD, discutée même dans le forum officiel. Au contraire, la pratique était censée stopper les véritables bootleggers, faisant du profit avec leurs enregistrements.
Mais ce coup d'arrêt a marqué car il remettait en cause l'échange des enregistrements de concerts (audio et vidéo), mais surtout la méthode était une claire rupture dans la communication. Jusqu'ici permissive avec des mentions sur le site officiel, le recours aux avocats a clairement indiqué une distance entre le groupe et ses fans. Nous, vous.
Aujourd'hui, les vidéos de concert sont facilement disponibles sur YouTube. Les Birdman Sessions sont en téléchargement sur gremmie.net, ainsi que de nombreux inédits à l'origine plus ou moins propre. Mais lorsque le groupe décide d'empêcher la diffusion de contenus (comme les bootlegs de Vedder en solo, ou le premier audio de The Fixer, pris dans une ruelle lors de l'enregistrement de la vidéo au Showbox), il y a encore cette impression de réaction disproportionnée (j'ai tout de même l'impression que cela a été calme pour Cold Concession et Let It Ride).
C'était le premier changement qui allait en appeler d'autres, plus ou moins appuyés et génants, mais c'était pour moi la fin d'une époque où le groupe semblait être totalement intègre, et mué par le désir de faire juste de bons disques. Yup, it's evolution baby...