par MFC » Sam Avr 08, 2006 11:48 pm
Mr. Bungle : "California"
Amateurs de Mike Patton, si vous lisez cette chronique en espérant y trouver la preuve que Mr. Bungle s’acoquine avec des vieux restes de King for a day, fool for a lifetime ou de Angel Dust, vous pouvez passer votre chemin, car même si Patton chante ici, la formation n’a absolument rien en commun avec Faith No More. Pour les autres, vous pouvez rester, il y a encore quelques places au fond, mais soyez gentil, ne mettez pas du popcorn partout, c’est chiant à nettoyer après.
Et que ça swingue, mes chers petits ! Adieu les guitares psychotiques et les atmosphères de banlieue américaine poisseuse : il est ici question de grande classe internationale, une sorte de Dick Tracy de la musique, coincé quelque part entre l’ambiance mafieuse de la prohibition, la grandiloquence musicale d’un Frank Sinatra et les rêves californiens les plus fous et les plus inavoués. A ma droite, The air-conditioned nightmare qui reprend à son compte les mélodies des Beach Boys en y incluant ça et là quelques riffs de guitare acérés ; à ma gauche, un Sweet charity très années trente, très big band, comme si The Divine Comedy avait décidé de s’installer à Chicago. Amateurs de cocktails, de palmiers, de jolie filles et de voitures roses, ce disque est fait pour vous. Avec un savoir-faire musical indéniable et un humour douteux (cet album serait-il une perle de second degré ?), Mr. Bungle himself vous sert sur un plateau un disque parfait pour vous prélasser l’été.
Comment ça ? Vous préférez les charmes de l’orient ou de la méditerranée ? Et bien glissez avec grâce sur Ars moriendi et sa folie contenue. Plutôt tenté par un slow sirupeux pour montrer à votre moitié de quel bois vous vous chauffez ? Pas besoin de chercher plus loin, c’est Retrovertigo qu’il vous faut. Plus sérieusement, force est de constater que les cinq musiciens de Mr. Bungle s’en donnent à cœur joie et composent surtout des morceaux d’une grande complexité, avec une infinité de parties et d’interludes différentes. On ne s’ennuie jamais, on glisse de musique de film en ambiance de film plutôt cartoon, façon "Qui veut la peau de Roger Rabbit ?", mais c’est toujours dans un immense talent. On ne doutait déjà plus des performances vocales de l’inimitable Mike Patton et de son irrésistible vent de folie qui souffle ici dans l’intégralité des compositions, mais il faut bien l’avouer, Trevor Dunn, Danny Heifetz, Bär McKinnon et Trey Spruance suivent largement le rythme. Il faut tout de même un sacré bagout pour livrer des morceaux aussi insolents dans leur structure, en utilisant des orchestres, des instruments ethniques et des guitares léchées, tout ça en recréant une réalité parallèle de dessin animé ou de film hollywoodien. Car si None of them knew they were robots surprend par ses rebonds incessants et son imprévisibilité totale, Pink cigarette aurait tout à fait sa place dans un James Bond.
On bave d’effroi à l’idée que ces cinq évadés de l’asile aient dû jouer toutes ces chansons en concert à l’époque (puisque jusqu’à nouvel ordre, Mr. Bungle n’existe plus, Patton s’étant réfugié sur ses deux plus gros projets, à savoir Fantômas et Tomahawk). On a du mal à s’imaginer comment ces gaillards ne se sont pas embrouillés... car pour arriver à suivre le rythme de morceaux aussi atypiques, il faut un sacré entraînement. Ou peut-être qu’ils faisaient un usage abondant de substances illicites, comme semble le suggérer Goodbye sober day. Oh non, quand même. Pas Mike Patton, pas lui ! C’est pourtant un homme sain... Qu’à cela ne tienne : un grand chapeau bas pour ce dernier album de notre ami Bungle, qui apportait pourtant un vent de fraîcheur débridée sur le rock américain. Remarquez, on ne sait jamais. Peut-être que la vie après la mort ressemble à ça, ce serait drôle.
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