http://zegut.blogspot.com/
Ben Harper & The Innocent Criminals "Lifeline".
A l'occasion de la sortie de ce nouvel album enregistré au studio Gang à Paris, je vous remets en ligne l'interview réalisée le 29 juin à l'Hôtel Costes.
FZ – Est-ce que cet album est une sorte de carnet de voyages, une sorte de journal intime ?
BH – C’est vrai qu’il y a un aspect « journal intime » dans cet album. C’est aussi basé sur les expériences que les gens traversent autour de moi, des choses que j’ai vécues, et des situations que j’imagine. Mais j’espère surtout que cet album soit comme une conversation entre les gens qui l’écoutent et le groupe, une conversation entre la musique et ceux qui l’écoutent.
FZ – Est-ce que certains titres sont nés pendant les balances, et est-ce que certaines choses sont nées de l’inspiration des autres membres des Innocent Criminals ?
BH – En fait toutes les chansons sont nées pendant les balances de la tournée. Et en fait, toutes les chansons, sauf « Lifeline » et « Paris sunrise #7 » sont nées de la collaboration du groupe et de moi-même. Nous avons encore poussé les limites de notre collaboration, et rien ne pouvait me faire plus plaisir. Ils m’ont permis d’aller encore plus loin. Et à chaque balance, si une nouvelle idée faisait son apparition, je la retravaillais dans ma chambre d’hôtel ou dans le tour-bus. J’écrivais des paroles, je la ramenais le lendemain, on la jouait, et le tour était joué. Et après une tournée de 2 mois, on avait tout ce qu’il fallait pour aller enregistrer en studio. Et on a eu de la chance d’avoir le Studio Gang, donc tout s’est plutôt bien goupillé.
FZ – Pourquoi « Paris Sunrise #7 » ? Etait-ce la 7ème prise ?
BH – En fait, c’était la première prise. Mais on a enregistré et mixé l’album en 7 jours, donc on n’avait pas de temps à perdre. On commençait à midi et on finissait à 5h du matin le lendemain. Et à chaque fois qu’on sortait du studio, le soleil se levait, et les gens allaient travailler. Et le 7ème jour, j’ai dit aux autres « C’est incroyable, c’est le 7ème lever de soleil que l’on voit à Paris, peut-être que ça pourrait être le nom d’une chanson ».
FZ – Vous avez enregistré sur du matériel analogique. Ca lui donne un côté très « soul music », façon Stax dans les années 60. C’est un choix délibéré ?
BH – J’avais espéré que ce disque pourrait représenter en quelques sortes une soul des « temps modernes ». J’ai été élevé avec ces sons de soul californienne, de Motown, de Stax, et j’ai toujours voulu amener ma propre définition de la soul sur un disque. Il a fallu le travail collectif du groupe et du matériel analogique, et se trouver à Paris, et voilà !
FZ – Pourquoi avoir choisi d’enregistrer à Paris ?
BH– Parce que Paris est l’une des capitales avec le plus d’âme. Il y a une sorte d’électricité dans l’air que j’ai toujours voulu capturer pour l’un de mes albums.
FZ – Après cet album très soul, penses-tu faire un jour un album entièrement reggae ?
BH – En fait je suis en train de le programmer, avec au moins 3 des membres des Wailers, et Lee Scratch Perry à la production. Donc on en parle, mais le projet est déjà bien avancé.
FZ – Va-t-il y avoir une tournée « Lifeline » ?
BH – Oui, c’est pratiquement certain. Ce sera une tournée plus intime, dans de petites salles.
FZ – Lors du festival Bonnaroo, tu as joué un morceau de Led Zeppelin avec John Paul Jones, une version de "Dazed and Confused" de plus de 20 minutes. Comment s'est passée la rencontre?
BH– C'est difficile à expliquer. Mon téléphone a sonné, et c'était John Paul Jones. Il m'a dit " tu vas jouer au Bonnaroo, moi aussi, faisons quelque chose!". C'était aussi simple que cela. Et donc lui, moi, et Quest Love des Roots à batterie, on a fait un power trio.
FZ– Est-ce que cette version a été enregistrée? Aurons-nous une chance de l'entendre un jour?
BH – Oui, ça sortira à un moment c'est sûr.
FZ – Que penses-tu de toutes les reformations de ces groupes de rock légendaires, comme Police, Genesis ou Led Zeppelin, qui repartent en tournée?
BH – En fait, on ne peut jamais s'arrêter…La seule chose qui vieillit, c'est le corps. La musique est toujours là, vivante. J'espère qu'on me fera monter sur scène même en fauteuil roulant quand j'aurais 90 ans. C'est pas juste un engagement qu'on signe pour 10 ans…Le contrat que tu fais avec la musique, c'est pour la vie.
FZ – Tu as participé à la compilation "Make Some Noise to Save Darfur". De nombreux artistes y ont participé, mais que penses-tu de l'action des gouvernements sur ce sujet?
BH – Cela devrait être la responsabilité de chacun de faire quelque chose. Personnellement, je trouve que je ne m'étais pas assez investi. Et quand on m'a contacté pour ce projet, j'étais content de pouvoir apporter mon aide. Peut-être qu'en ce qui me concerne, ce n'est que le début de ma contribution. C'est vraiment le moment pour les hommes politiques de s'occuper de tous ces problèmes de nations opprimées, d'écologie…C'est le moment que les gens s'investissent pour inverser la machine, pour faire revenir le monde à des choses positives. Il faut arrêter la régression de la planète.
FZ – En ce moment, tu es à Paris donc et cette fois, tu es venu avec femme et enfants. As-tu des endroits préférés ici, des gens que tu appelles dès que tu arrives…?
BH – Dans mon cœur, j'ai 90 ans…je suis un vieil homme…J'aime les vieilles choses, et ce que j'adore faire par-dessus tout ici, c'est le marché aux puces à Saint-Ouen. Les dames sont dans leurs échoppes, avec leurs chiens, leur thé, et en fait elles s'en fichent un peu de vendre quoi que ce soit. J'aime aussi manger à la Coupole , et puis j'ai des amis dans le 17ème et le 5ème arrondissements. Je commence à connaître un peu, pouvoir aller à droite à gauche sans problème. Et puis j'aime Montmartre au coucher du soleil, c'est spectaculaire.
FZ – Est-ce que tu te souviens d'un dernier petit concert spontané que tu aurais donné?
BH – En fait, c'était y'a 3 semaines, juste avant qu'on vienne ici. Je suis partie avec mon fils et son école, pour camper pendant 3 jours. Et on a fait un feu de camp, et j'ai sorti la guitare pour chanter.
FZ – Tu viens de nous montrer des photos de toi, en famille, en papa "normal". Est-ce que ce n'est pas trop difficile pour toi de partir en tournée, de laisser tes enfants qui doivent te réclamer sûrement…?
BH – Plus les enfants grandissent, et plus ça devient difficile. Mais ce serait encore plus dur pour moi de ne pas faire ce pour quoi j'ai tant de passion. Il faut trouver un juste équilibre, et vous avez vu avec cette photo, on peut trouver cet équilibre. Y'a suffisamment d'amour pour qu'on y arrive.